Les disparues de Vancouver, roman

Elise Fontenaille

Grasset

  • Conseillé par
    4 février 2011

    L'envers des médailles.

    Roman terrifiant, car basé sur une histoire vraie ! La disparition de plus de soixante prostituées dans un quartier défavorisé de Vancouver grâce ou en grande partie à cause de l'inertie des pouvoirs publics et politiques.
    Une cérémonie religieuse indienne devant une plaque commémorative commence ce récit. Un chant de deuil s'élève. Onze noms féminins dont celui de Sarah De Vries, métisse de parents noir et indien, élevée dans une famille et un milieu blanc, qu'elle a quitté très jeune, devenue prostituée, droguée et portée disparue.


    Elle a échoué comme beaucoup au « Downtown Eastside » qui est devenu le royaume des junkies prostituées de tous âges. De jeunes filles fugueuses, la plupart deviennent vite putes et dépendantes à l’héroïne. Dans ce quartier abandonné dans lequel règne la loi du plus fort, la police est absente et la population de toute façon peu encline à leur parler.
    Alors tout semble bien aller dans le pire des mondes, sur les trottoirs des rues balayées par l'habituelle pluie qui rend le paysage d'un gris sinistre....La vie continue, le nombre des disparitions augmente, vingt, trente, quarante etc....
    Quelques personnes tentent de mobiliser l'opinion publique de la ville, puis du pays ; Wayne Leng, d'abord client de Sarah, a tenté de vivre avec elle, mais l’héroïne a été la plus forte. Il détient le journal intime de cette dernière. Un vieux flic, Bruce, style shérif d'un autre temps leur apporte un peu de compassion et d'estime. Mais le nombre des disparitions ne cesse d'augmenter, la police se moque du problème, mais réagit rapidement au moindre incident concernant une blanche des beaux quartiers. Certaines filles vont au port et montent sur des bateaux à quais et sont souvent enlevées et jetées à la mer quelques temps après....
    La police semble s'occuper enfin du problème, un spécialiste connaissant bien la ville est nommé pour tenter d'élucider les disparitions, mais de vieilles rancœurs font échouer son enquête...
    Et le nombre des disparues monte de plus en plus.....
    Jusqu'au jour où une dénonciation inespérée va permettre de découvrir l'inimaginable.... le comble de l'horreur....
    L'incurie des autorités est fortement soulignée par tous les témoignages, pourquoi perdre son temps et donc l'argent des contribuables pour des filles de mauvaise vie, pour la plupart indiennes et dépendantes aux drogues dures?
    La découverte de l’identité de l’assassin ne résout pas tous les problèmes et au contraire laisse bien des zones d'ombres? Car si sa culpabilité ne fait aucun doute, a-t-il agi seul ?
    Son frère était-il complice ? Sa soeur était-elle au courant ? Les Hell's Angell tiennent la ville, ils avaient leurs entrées au restaurant le Piggy's Palace, ont-ils participé à la série de meurtres? Quelles sont réellement ses motivations ? Est-il possible que personne ne se soit rendu compte de rien pendant toutes ces années ? Ici, comme là-bas, que vous soyez riches et puissants ou pauvres et faibles, la justice n'est pas la même.
    Ce livre est une peinture effrayante de la ville de Vancouver et également de la société canadienne dominée comme hélas partout par l'argent roi et inondée de drogues frappant les plus fragiles. Ici des jeunes femmes souvent rejetées ou ayant subi des violences sexuelles durant leur enfance. Le racisme est aussi très présent, la population exclue étant ici les indiens, principales victimes du tueur et de la ségrégation.
    La sècheresse de la narration et de l'écriture donne à ce livre un aspect documentaire qui, je pense, lui confère une force supplémentaire, car le côté romanesque me semble absent.
    Les faits dans leurs horreurs se suffisent à eux-mêmes et le contexte social n'est pas esquivé, bien au contraire. Un dernier détail, les frais d'instruction du premier procès se sont élevés à cents millions de dollars canadiens et l'estimation finale à la fin des nombreux jugements est de cent vingt millions !
    Les mots de la fin :
    - « Un quart des Canadiens ont du sang indien dans les veines, les trois quarts restants ont du sang indien sur les mains. »