La géographie / objet, méthodes, débats, Objet, méthodes, débats
EAN13
9782200243517
ISBN
978-2-200-24351-7
Éditeur
Armand Colin
Date de publication
Collection
Collection U
Nombre de pages
309
Dimensions
24 x 16 cm
Poids
566 g
Langue
français
Code dewey
910

La géographie / objet, méthodes, débats

Objet, méthodes, débats

Armand Colin

Collection U

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Introduction« – Qu'est-ce qu'un géographe ?– C'est un savant qui connaît où se trouvent les mers, les fleuves, les villes, les montagnes et les déserts.– Ça c'est bien intéressant, dit le petit prince ! Ça c'est enfin un véritable métier ! »Antoine de Saint-Exupéry, 1946, Le petit prince.La géographie est une science plus indispensable que jamais et qui s'est très positivement transformée durant les dernières décennies. Elle reste malgré tout une grande méconnue et souffre, auprès du grand public, de plusieurs images mutilantes, aussi tenaces qu'injustes, solidement ancrées bien qu'elles ne correspondent en rien à la réalité d'aujourd'hui.Trois contresens« Et maintenant, dit l'animateur de télévision, une question de géographie : où est situé le pont des Soupirs ? À Paris, à Venise ou à New York ? ». La géographie, dans l'opinion publique, correspond d'abord – et parfois seulement – à une catégorie assez informelle d'érudition, bien représentée dans les jeux télévisés, le Trivial Pursuit et les vidéos documentaires, « image terriblement fausse et réductrice de la géographie que la modernisation des programmes scolaires ne semble pas parvenir à effacer » (G. et P. Pinchemel, 2005 p. 233).Agglomérat de localisations (les capitales), de curiosités (les ethnies oubliées et la vie des animaux) et de records (les plus hauts sommets), cette géographie populaire passe en revue, le plus souvent par médias interposés, la fascinante et inépuisable diversité du vaste monde. Touristique et attractive, elle mêle voyage, exotisme et beaux paysages, lagons polynésiens et expéditions polaires, baobabs africains au coucher du soleil et chant des baleines, « comme si le seul moyen d'intéresser les gens à la géographie était de leur montrer des photos de voyages » (Y. Guermond in Géopoint 2006, p. 449). Grâce à elle, nous pénétrons dans la yourte mongole, nous galopons à travers le Serengeti avec les gnous et nous escaladons l'Everest en compagnie des sherpas népalais. Elle est géographie de plein vent par procuration.« Est-ce que tu sais ta géo' ?, demande la mère de famille. Viens me la réciter ! » Voici une deuxième géographie, celle qui est censée s'apprendre à l'école, par cœur si possible. Bien sûr, on n'en est plus depuis longtemps aux mythiques listes de départements et chefs-lieux, même s'il existe encore des puzzles éducatifs qui renouvellent cette longue tradition. Pourtant la réputa tion demeure : on ne comprend pas sa géo', on la « sait » et la révision de cette matière pour le baccalauréat, aux dires des élèves, demeure toujours, avec sa compagne, l'histoire, l'une des plus lourdes. Même s'ils sont en voie de disparition, il subsiste encore quelques vestiges de cette géographie accumulatrice, celle des index d'atlas, des nomenclatures descriptives et de la mémorisation toponymique. Le « fort en géo' » serait-il encore seulement celui qui a stocké beaucoup de lieux dans sa mémoire et qui brillera s'il va faire tester cette capacité dans le jeu télévisé que nous venons d'évoquer ?« La géographie est médiocre dans ce pays ! », annonce le journaliste, révélant ainsi une troisième signification fréquemment donnée à ce mot, décidément très malmené. En effet, une telle affirmation, hélas encore courante, veut probablement dire que le milieu physique est difficile, trop montagneux ou trop sec par exemple. Lorsqu'un homme politique affirme que telle région est « défavorisée par sa géographie », il pourrait tout aussi bien nous dire que cette contrée est « victime de la fatalité naturelle ». Cette approche, encore différente des deux précédentes et qui se veut a priori plus savante, relève pourtant autant qu'elles d'une incontestable méconnaissance de la géographie.Un flou manifesteCes trois situations montrent que « l'image de la géographie est médiocre dans notre société » (G. Roques, 2006, p. 16) ou, en tout cas, à l'évidence, y manque de netteté. Une enquête menée en 1992-1995 auprès des étudiants géographes du Havre (M. Brocard, 1995), illustre bien cette indécision. Elle montre qu'à leur sortie de l'enseignement secondaire, ils perçoivent leur discipline, d'une part comme un inventaire, d'autre part comme un couple observation-description. Trois ans plus tard, en licence, leur conception a été totalement bouleversée et ils la considèrent désormais, à l'issue d'une mutation rapide et radicale, comme un « savoir penser l'espace » beaucoup plus théorique et méthodologique.L'incertitude se retrouve également au niveau de l'insertion institutionnelle elle-même, puisque les géographes sont indifféremment accueillis dans les facultés de sciences humaines, sciences économiques, sciences de la vie ou sciences de la terre. Un autre signe ne trompe pas : lorsqu'on cherche le rayon « Géographie » dans les librairies, on constate que si par chance il est présent, il se limite trop souvent à un modeste rassemblement de livres de tourisme et d'atlas. De même peut-on regretter la dispersion systématique des ouvrages de géographie en fonction des normes de classement appliquées dans les bibliothèques, universitaires ou autres. En fonction de sa recherche, il faut aller explorer le droit, la sociologie, l'histoire, l'économie, l'urbanisme, l'architecture, l'aménagement, etc.Enfin les résultats de n'importe quel sondage d'opinion actuel diraient sans hésiter que la physique étudie la matière et la biologie la vie, ce qui est exact. Ils diraient probablement, mais avec déjà moins d'unanimité, que la géographie étudie la Terre, c'est-à-dire en fait la localisation des pays, des villes ou des montagnes, ce qui, sans être faux, est extrêmement restrictif. Une enquête réalisée par le bulletin Intergéo en 1991 (no 104) a confirmé, si besoin était, que pour l'opinion, la géographie évoquait d'abord la localisation, ensuite le milieu naturel et les listes de lieux.La consistance et l'image de la géographie se sont brouillées sous les coups de boutoir de ses diversités terminologiques, thématiques, méthodologiques ou théoriques et, depuis des décennies, « maints géologues et sociologues sont prêts à déclarer qu'il n'y a pas de géographie, qu'il n'y a que des géographes » (R. Clozier, 1949, p. 98). Ceux-ci doivent sans cesse battre leur coulpe et plaider la légitimité, la scientificité et l'utilité de leurs travaux. Les observateurs extérieurs tendent à leur attribuer une identité équivoque, à leur refuser un réel statut scientifique et « parmi les représentants des autres sciences et même – fait plus grave encore – parmi les géographes, beaucoup se demandent en toute conscience ce qu'est la géographie, et même si elle existe ! » (J. Beaujeu-Garnier, 1971, p. 12).La « fin de la géographie », consécutive à la mondialisation et à la globalisation, a même été annoncée dès 1970 par A. Toffler (Future shocks) et réaffirmée plus récemment (R. O'Brien, 1990 et 1992). Depuis longtemps, certains disent qu'elle « doit s'évanouir en tant que science distincte (et) ne peut logiquement réclamer pour elle qu'une sorte d'existence “appendiculaire” si l'on peut dire » (L. Febvre, 1922, p. 41) et, aujourd'hui encore, la géographie se pose « les questions de son identité intellectuelle et de sa pertinence sociale » (M. C. Robic, 2006, p. 9).Une volonté d'affirmation dans le champ scientifiqueCe tableau très sombre a de quoi laisser tout géographe amer et désabusé, mais surtout révolté, car il ne correspond en rien à la réalité, mais à un détestable catalogue d'idées reçues. Manifestement, en effet, la représentation collective de la géographie a évolué beaucoup moins vite que son objet et ses méthodes : on croit qu'elle est... ce qu'elle n'est déjà plus, et parfois depuis longtemps. Elle reste méconnue, notamment au sein de la si déterminante intelligentsia parisienne, parce qu'elle a probablement mal su se débarrasser de ses anciens oripeaux et montrer combien elle s'était incroyablement transformée et était devenue plus indispensable que jamais, compte tenu des évolutions actuelles des Sociétés. Les géographes doivent donc dépasser leur crise d'identité et leur sentiment de rejet et d'injustice.Cependant, même s'ils s'en indignent à juste titre, les géographes doivent aussi admettre que ...
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