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    20 juin 2010

    Un vieux professeur affublé d’un surnom vexatoire par ses élèves depuis des générations, nourrie à leur égard une haine tenace que sa propre déchéance lui permettra d’assouvir. Il lui faut pour cela se défaire de la trace la plus infime de considération que son érudition vaine a longtemps préservé, et devenir dans les bras d’une danseuse qu’il a sorti d’un bouge minable, celui que tout le monde a décidé qu’il était : une ordure. Heinrich Mann, le frère de l’autre, explore les travers d’une société engoncée dans son hypocrisie puritaine, qu’il précipite dans une dépravation orgiaque à la mesure de sa rigidité : pour en venir a bout le professeur se fera le chantre d’un anarchisme moral effréné, poussé par une sorte d’amour contraint, une tendresse traîtresse où s’abîme deux cœurs déjà morts. Mann recherche la grandeur dans la répugnance et la vulgarité, il puise le sérieux dans un puit de ridicule que son professeur ne cesse de creuser, rejetant de grande pelletés d’orgueil par-dessus la société en équilibre au bord du trou. Mais le plus dérangeant ce n’est pas tant cette charge contre la société que la manière qu’à son personnage de nourrir sa haine de lambeaux d’amour. Superbe roman.