Loge ecarlate (La)

Pierre colin-thibert / stephane soularue

Sarbacane

  • Conseillé par
    3 janvier 2013

    Bande dessinée de Pierre Colin-Thibert (scénario) et Stéphane Soularue (illustrations).

    En 1770, le prince San Severo perd sa fille, Rosalia. Dévasté de chagrins, il est persuadé que son passé le rattrape. « Dieu me punit d’avoir voulu, jadis, percer les secrets de sa création… Ou alors, ce maudit Salerno a enfin réussi à m’atteindre, à me jeter un sort. » (p. 14) De Palerme à Venise, le récit remonte en 1750, quand le prince a rencontré le docteur Salerno, un savant qui voulait percer les mystères de la vie et pratique en secret des dissections de cadavres humains. « Je veux y trouver la cause de la mort et le moyen d’en retarder l’échéance… » (p. 23) Mais, rapidement, le docteur Salerno perd la mesure : il ne veut plus seulement empêcher la mort, il veut créer la vie, se sentir l’égal de Dieu, voire se passer de Dieu. « Dans la mesure où l’homme est capable de donner la mort, – et c’est même ce qu’il fait de mieux ! – pourquoi n’arriverait-il pas à créer la vie ? » (p. 54) Mais ne vous y trompez pas, il n’y a aucun principe humaniste dans ses desseins, seulement une soif de pouvoir et de gloire.

    Cette très belle bande dessinée présente la franc-maçonnerie dans une Italie encore divisée en micro états. C’est à partir de faits réels et de personnages historiques que l’auteur a imaginé un récit qui oscille entre science et fantastique. Les machines anatomiques de Salerno ont réellement existé, mais Pierre Colin-Thibert en fait un conte philosophique et baroque. Au-delà de leurs théories baroques sur la manipulation de cadavres et leur hybris dévorante, ces savants un peu fous menaient un combat essentiel où la science affrontait l’obscurantisme religieux et aristocratique. « Vous vous prétendez maçon, libre-penseur, mais vous encore imprégné des valeurs d’un autre âge… Le progrès, Monsieur, n’a que faire de la morale ordinaire. » (p. 38)

    Ainsi que l’annonce le titre, le rouge prédomine dans cet album. Les aquarelles ont des airs de sanguines. Tout ce rouge, c’est la vie qui palpite ou peut-être la mort qui se retire. Quant à la loge écarlate, outre le regroupement maçonnique, elle est le berceau où naît l’étincelle de vie. La loge écarlate est un one-shot très réussi, inquiétant et fascinant.