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    20 janvier 2013

    Coup de coeur!

    J'avais tant envie de découvrir ce roman que j'avais peur d'être déçue. Et s'il est vrai que le roman démarre assez doucement, j'ai de plus en plus aimé au fur et à mesure que je tournais les pages et je n'arrivais pas à oublier ma lecture une fois le livre reposé. Pourtant, il n'y a pas de scènes fortes ou mélodramatiques à proprement parler, mais des réflexions sur l'Amérique, et des mises en situation de l'hypocrisie qui caractérise ce pays (et sans doute tous les systèmes). En nous racontant le dernier jour de cette mi-temps que vit Billy (il était à la guerre avant ce moment, il y retournera après), Ben Fountain rappelle que ces dirigeants qui envoient des jeunes à la guerre ont eux-mêmes tout fait pour ne pas aller au Vietnam.

    Bush, Cheney, Rove, tous ces types-là, ils ont fait ce que tout le monde faisait, et j'étais comme eux, un trouillard de première. Le problème maintenant, c'est que ce sont les pires bellicistes qui maintenant, nous servent leur connerie de guerre à outrance.

    Bien sûr, la compagnie Bravo est ici utilisée à des fins électorales. Le sergent Dime remarque vite qu'ils sont invités dans les états était incertain aux prochaines présidentielles. Le génie de Ben Fountain est de faire de subtiles comparaisons. Lorsque Manon, la jeune fille que rencontre Billy parle de ce qu'elle fait, elle ne peut que nous paraître ridicule par rapport aux risques que prend Billy et à ce que lui a apporté à son pays:

    Les gens nous disent "Vous êtes si bonnes de donner tant de vous-mêmes aux autres. Mais c'est l'inverse. C'est les autres qui nous donnent tant. C'est ça qu'il y a de mieux dans notre rôle de cheerleader, servir les autres.

    Et ce que semble suggérer l'auteur, c'est que finalement, cheerleader ou soldat, le rôle est le même: divertir l'Amérique et jouer les faire-valoir de personnes plus influentes. Ce que tout le monde veut savoir, c'est ce que ressent le soldat qui tue mais ça, justement, Billy ne l'a pas encore analysé. On sent bien la fascination de ces américains pour les armes et pour le sang. Billy a tué, ce qu'eux ne feront sans doute jamais et ça les fascine. J'ai beaucoup aimé la façon dont est dépeint le monde du football américain. C'est ainsi que Billy résume ce jeu:

    On finit par prendre plaisir à ce qu'on nous dise sans cesse ce qu'il faut faire, sauf qu'au bout d'un moment, ça devient ennuyeux comme la pluie et qu'arrivé à un certain âge, on se rend compte que les coachs sont en réalité cons comme des balais.

    Ben Fountain manie l'ironie et le sens de la dérision à la perfection. La difficulté qu'éprouve Billy à obtenir de l'Advil en est un exmple. Il a beau être un héros, l'intendant du stade ne peut lui donner cet Advil eu risque de perdre son emploi puisqu'il n'en a pas reçu l'ordre. Je pourrais vous citer des dizaines de phrases qui, pour Billy, caractérisent l'Amérique mais voici les plus importantes:

    L'Amérique adore prier, Dieu le sait. L'Amérique prie, prie et prie, c'est le pays de la prière déchaînée.

    Une Amérique qui prie pour ses soldats tout en les envoyant vers la mort.

    Jamais les américains ne ressemblent autant à une bande d'ivrognes que quand ils entonnent les derniers vers de l'hymne américain.

    Au milieu de tout ce sarcasme, se cachent aussi de beaux moments très pudiques, comme celui où Billy donne son ballon à un garçon ou comme sa mère qui s'inquiète parce qu'il ne porte pas de manteau. Et vous rencontrez deux magnifiques personnages, Billy, qui sait très bien qu'il joue là un rôle, répond ce qu'on attend de lui mais n'en est pas moins très authentique et incroyablement touchant, Billy qui plutôt que d'entendre mille fois louer son courage préférerait qu'on lui donne des conseils qui lui permettraient de trouver un bon emploi à son retour et le sergent Dime, personnage haut en couleur qui n'hésite pas à envoyer promener les gens aisés qui le prennent pour un andouille.

    Preuve qu'Hollywood a le sens de l'humour, les droits de ce film ont été achetés. De là à penser que les Destiny Child's joueront leur propres rôles, il y a un pas que je n'ose franchir. Ou alors, elles ont un sens de l'auto-dérisions que je leur soupçonne pas.

    Je pourrais vous parler de ce roman pendant des heures mais je pense qu'il vaut mieux que vous le lisiez.