Le Calice du Dragon

Lucius Shepard

Le Bélial

  • Conseillé par
    25 juillet 2013

    Alléchée par les très bons retours sur le recueil de nouvelles du « Dragon Griaule », j’étais plus que curieuse de découvrir l’univers créé par Lucius Shepard. « Le calice du dragon » fait partie de ce même univers, mais peut se lire indépendamment des nouvelles, tel un bon cru. Jamais déstabilisée, bien que je ne connaisse pas ce monde, mais souvent dépaysée, j’ai englouti ce petit bijou en un rien de temps sur ma kobo. Ce roman est selon moi, le doublé parfait qui me conduit inévitablement au coup de cœur ! A savoir, l’alliance d’une très bonne histoire, captivante et truculente, et d’une très belle plume, dont l’on a plaisir à savourer les mots. Je tiens d’ailleurs à tirer mon chapeau au traducteur Jean-Daniel Brèque, qui a su restituer à merveille la prose érudite et élégante de Lucius Shepard !

    Quand un auteur emploie un vocabulaire un peu soutenu et des tournures de phrases emphatiques, il a tôt fait de se casser les dents. L’auteur évite l’écueil en nous livrant une œuvre belle, distinguée, qui emprunte un vocabulaire spécifique parfois (merci la kobo avec dictionnaire intégré !) mais qui ne m’a jamais paru pompeuse. Pas comme s’il cherchait à caser à tout prix des expressions savantes. Au contraire, ce fut un plaisir de cliquer sur un mot de-ci de-là et d’enrichir son vocabulaire sur tel ou tel sujet. On sent de suite lorsque l’auteur possède une certaine aisance de la langue, car le texte possède une certaine musicalité, une harmonie qui fait mouche. Lucius Shepard est de ceux-là.
    En dehors du style qui m’a conquise, l’intrigue se révèle passionnante et est menée tambour battant. En alliant une bonne dose de mystère à un monde très imaginatif et à la cohérence sans faille, Lucius Shepard ne pouvait pas rater le coche. Le roman, très inspiré, nous emmène aux côtés de Rosacher, un jeune médecin aux dents longues, qui habite Griaule (le gigantesque dragon assoupi). Celui-ci a de la suite dans les idées et est bien décidé à ne pas finir sa vie comme un moins que rien. Il sacrifie tout et plus, pour parvenir à ses fins. Quitte à vendre son âme au diable à Griaule.
    Le récit, qui nous offre parfois des sauts temporels à la manière d’un "flash-forward", se montre très immersif (j’avais bien du mal à lâcher ma "kobo"). Les diverses créatures imaginaires qui peuplent Griaule ont marqué vivement mon esprit (surtout ces espèces d’insectes-follicules, brr !). Le héros du roman n’est pourtant pas très sympathique (il est même plutôt détestable), mais il exerce sur le lecteur une espèce de fascination qui nous fait nous interroger sur comment tout cela va-t-il finir. Assurément pas de la meilleure façon. Les manigances et manœuvres politiques et économiques parsèment l’intrigue avec une bonne dose de subtilité. Et les luttes de pouvoir côtoient les éléments fantastiques de manière équilibrée, chacun à sa juste dose. La religion et l’addiction des Hommes (et leur perfidie) sont autant de thèmes qui ont aussi leur place dans le roman, preuve s’il vous en faut encore, que « Le calice du dragon » est un roman complexe et ensorceleur. A bon entendeur…