Azilis, 2, La nuit de l'enchanteur
EAN13
9782700234053
ISBN
978-2-7002-3405-3
Éditeur
Rageot
Date de publication
Collection
Grand format (2)
Séries
Azilis (2)
Nombre de pages
384
Dimensions
22,5 x 14,5 cm
Poids
506 g
Langue
français
Code dewey
804

2 - La nuit de l'enchanteur

De

Rageot

Grand format

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SOMMAIRE

LE FUGITIF

La lettre dans le feu

Tentations

Les moines rebelles

Le festin d'un fauve

Les combats de Ninian

L'ENCHANTERESSE

L'eau rouge de la déesse

Ynis-Witrin

Chasse au loup

Le serment de Niniane

Le seigneur des fées

Une flamme dans un oeil noir

L'âge des pierres levées

Les compagnons d'Arturus

Les leçons du barde

Les chevaucheurs de vent

Le retour des guerriers

Le baiser de Myrddin

L'inconnu aux yeux d'or

Prophéties

Couverture de Stéphanie Hans

978-2-700-23405-3

© RAGEOT-ÉDITEUR – PARIS, 2009.

Tous droits de reproduction, de traduction et d'adaptation réservés pour tous pays.

Loi n° 49-956 du 16-07-1949 sur les publications destinées à la jeunesse.

Pour Lydie.

Je remercie Pierre pour son dévouement,
mes enfants pour leur patience,
Olivier et Sylvaine pour une longue et éclairante
conversation de Nouvel An
devant les flammes d'un feu de bois.

I

Le fugitif

Fin août 477.

Armorique, mont Tumba.

Ninian dévalait la pente en relevant les pans de sa robe de bure. Des ronces balafraient ses bras et ses joues, des pierres blessaient ses pieds nus dans les sandales. Était-ce la pluie qui trempait son visage, étaient-ce des larmes ? Devant lui Priscus filait, comme porté par le vent qui secouait les arbres de la forêt et fouettait leurs visages par rafales mouillées.

– Là-bas ! Je les ai vus ! Par ici, mon frère !

La voix de Chanao tonnait derrière eux. Lui et Pandarus les poursuivaient, ivres de colère, armés de bâtons. Ils étaient la fureur de Dieu, les instruments de Sa vengeance.

À bout de forces, à bout de souffle, Ninian gémit de terreur.

Priscus et lui dégringolaient le chemin boueux qui rejoignait la voie romaine au pied de la colline solitaire du mont Tumba1. Une aube grise se levait. Autour d'eux les bois n'offraient guère de cachettes, mais s'ils parvenaientjusqu'à la route, ils pourraient s'enfoncer dans l'immense forêt qui entourait le mont.

Des nuées de petites mouches noires volèrent devant les yeux de Ninian. D'une main nerveuse il tenta de les chasser. En vain. Ce n'était qu'une illusion due à l'épuisement.

– Arrêtez-vous ! Maudits ! MAUDITS !

Chanao semblait avoir devancé Pandarus. Ninian tourna la tête, aperçut, plus proche qu'il ne le pensait, l'affreux visage du frère tordu par un rictus de haine. Quel plaisir il aurait à les tuer tous les deux ! La terreur insuffla à Ninian une énergie nouvelle. Il accéléra, se rapprocha de son ami. Il fallait atteindre la route, il fallait semer Chanao !

Mais soudain incapable de continuer, il s'arrêta en trébuchant, plié en deux.

– Voleur ! Assassin !

C'était terminé. Quelles chances avaient-ils de toute façon ? Et quand bien même ils atteindraient la forêt, les ours ou une meute de loups les dévoreraient.

Priscus ne méritait pas un tel châtiment. Mais, lui, Ninian, venait de commettre le pire des crimes et sa vie ne valait plus rien.

Il tomba à genoux. Ses poumons se vidaient à chaque inspiration avec un sifflement rauque. Il s'affala en avant, dans la boue, les yeux fermés, s'attendant à être saisi et roué de coups. Un voile rouge recouvrit l'obscurité sous ses paupières closes.

La mort, prête à le cueillir, aurait pour visage le faciès haineux d'un moine. Quelle ironie ! Quel destin absurde ! Un rire amer, désespéré, secoua sa poitrine.

Entendant une cavalcade et des exclamations, il serra les dents, se préparant à souffrir. La terreur figea son cœur, tordit son ventre.

Alors au lieu de se recommander à Dieu et de Lui demander pardon, son esprit vola vers sa sœur jumelle. Ses lèvres murmurèrent « Azilis » et il sombra dans l'inconscience.e9782700234053_i0002.jpg

À des milles et des milles de là, au-delà de la mer, loin du mont Tumba, Azilis poussa un cri de terreur et se dressa sur son lit en hurlant.

La lettre dans le feu

Quinze jours plus tôt.

Mont Tumba.

1

– Où est le messager ? insista Ninian. Je veux le voir.

– Je l'ai renvoyé, reprit froidement l'abbé, gardant la lettre alors que Ninian tendait la main. J'ai veillé à ce qu'on le nourrisse mais ne lui ai pas accordé l'hospitalité. L'isolement est notre règle.

– Frère Mewen, c'est sûrement ma sœur qui m'écrit.

– Ta sœur ? Celle qui nous a apporté la violence et la mort ?

L'abbé désigna du menton la tombe du barde Aneurin.

– Ce courrier est de Niniane Sennia, en effet. Mais dois-je te rappeler que tu n'as plus de sœur ? Notre communauté est ta seule famille, frère Ninian. En franchissant la porte du monastère tu as juré de renoncer au Diable et aux passions de la chair, aux affaires humaines et aux attaches familiales. Ce sont nos règles, frère Ninian.

Ninian approuva, les yeux baissés. Jamais son renoncement au monde ne lui avait tant coûté. Il ne verrait pas les mots qu'Azilis avait tracés à son intention.

– Tu auras la lettre, dit l'abbé. Mais prépare ton âme à cette épreuve. Tu devras lire ces nouvelles en chassant tes émotions, en méprisant ce bavardage venu du monde extérieur. Après quoi tu me rendras le parchemin et je le brûlerai. Ainsi tu n'auras pas trahi tes vœux. Va traire Alba en attendant. Et efface de ton visage ce sourire stupide !

Ninian s'inclina devant son maître spirituel, incapable de brider l'immense joie que ces mots lui procuraient. L'épreuve était dure même s'il en comprenait la nécessité. L'abbé le répétait volontiers : on n'abandonne pas la vie terrestre à moitié. Chercher Dieu est pour un moine une occupation qui dévore son existence entière.

Alors qu'il arrachait la chèvre Alba du noisetier où elle avait grimpé, les lèvres de Ninian murmuraient le Notre Père, en une litanie sans cesse recommencée.

Mais son esprit s'était séparé des mots qu'il récitait par cœur. Il s'envolait vers l'ouest, évoquait Azilis : le pire obstacle pour Ninian dans sa quête de Dieu.

Si elle écrivait, c'est qu'elle était sauve.

Il aimait trop sa sœur, il le savait. Elle était la partie de son être à laquelle il lui était le plus difficile de renoncer.

Le passage tragique d'Azilis au monastère un mois plus tôt – leur cousin Aneurin était mort et elle avait failli mourir – avait anéanti deux ans d'efforts pour oublier le passé familial. Ninian se surprenait à penser à sa jumelle pendant les offices et, quand on le tirait du sommeil à matines2, il émergeait le plus souvent d'un rêve où il se trouvait en sa compagnie.

À la nuit tombée, l'abbé lui remit la lettre.

Les moines n'avaient pas droit aux chandelles.

2

Ninian veilla au fond de sa cellule humide dans une totale obscurité, tenant à la main ce courrier qu'il ne pouvait pas lire.

Au matin, juste après laudes3 qui lui semblèrent durer une éternité, il se réfugia dans le verger désert et courut s'asseoir sous un pommier. Aussitôt il lut et relut la lettre d'Azilis au point de la connaître au mot près. L'abbé pouvait bien la brûler, elle s'était gravée au burin au plus profond de son cœur.

Niniane Sennia à son cher frère.

Mon Ninian, je t'écris d'Ynis-Witrin, ce 1eraoût 477, pour te dire que je suis vivante et libre. Le messager que je t'envoie n'est pas le seul à partir ; toute l'île de Bretagne apprendra bientôt la nouvelle : Arturus, le dux bellorum4, à qui j'ai remis l'épée Kaledvour, a vaincu l'armée d'Aelle le Saxon.

Ainsi le vœu d'Aneurin est accompli. L'épée « qui ferait saigner le vent », comme il disait, a animé le courage des Bretons avant la bataille.

Autre chose. J'ai retrouvé notre frère Caius vivant ! Et plus flamboyant que jamais ! Il est le second d'Arturus, te rends-tu compte ? Et il t'embrasse fraternellement.

Caius ! Vivant ! Des larmes de joie brouillèrent la vue de Ninian et il remercia le Seigneur d'avoir protégé son aîné. Il cligna des paupières et poursuivit sa lecture.

Quant à Kian, il partage désormais ma vie. Considère-le comme ton frère.

Ninian étouffa un cri. Cette brute épaisse ! Peu importait qu'il fût esclave : Ninian espérait s'être lavé de ces préjugés, et les hommes étaient frères, égaux devant Dieu, mais sa jumelle épouse d'un tel homme ! Elle qui était si exigeante, si raffinée...

La fin de la lettre était encore plus troublante.

Rends-toi compte, mon Ninian. Kian et moi sommes devenus compagnons d'Arturus...
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