Un petit roman lumpen
EAN13
9782267023152
ISBN
978-2-267-02315-2
Éditeur
Christian Bourgois
Date de publication
Collection
Littérature étrangère
Nombre de pages
96
Dimensions
20 x 12 x 0,6 cm
Poids
108 g

Un petit roman lumpen

Christian Bourgois

Littérature étrangère

Indisponible
Dans ce court roman, Roberto Bolaño abandonne les territoires qui ont marqué son parcours et son imaginaire personnel pour se déplacer vers la ville de Rome. C’est le décor où plusieurs personnages excessifs déambulent, tendus entre l’inquiétude et la folie. Après la mort soudaine de ses parents dans un accident de voiture, Bianca, la jeune protagoniste, commence en effet une véritable descente aux enfers, côtoyant la délinquance et le mal.

Elle se rappelle sa vie avec son frère, tous deux adolescents au moment de la mort brutale de leurs parents. Livrés à eux-mêmes, ils abandonnent rapidement leurs études et vont essayer de survivre : Bianca, la narratrice, travaille dans un salon de coiffure, son jeune frère se fait engager dans un gymnase où il fait la connaissance de deux individus étranges, le Bolognais et le Libyen. Ces derniers finissent par proposer à la jeune fille de se prostituer à un ancien acteur de péplums, Maciste, afin de pouvoir le voler.

De la même manière que le titre du roman est un écho ironique aux trois petits romans bourgeois de l’écrivain chilien José Donoso, Rome et son passé, ici rappelé par le personnage de Maciste, héros de péplum, ancienne figure du nationalisme et du fascisme italien, n’apparaissent que sous leurs aspects les plus défaits. Il n’y a plus rien d’épique, Maciste est aveugle, sa gloire n’est même plus un souvenir et il n’apparaît que parce que les deux personnages indifférenciés - le Libyen et le Bolognais - veulent le voler (est-il vraiment riche, le lecteur en doute).

Bolaño recycle donc cette fin de l’épopée, du grand récit (de carton pâte), se rappelle sans doute de la prostituée fellinienne qui erre dans les Nuits de Cabiria, affirmant une nouvelle fois que l’expérience de la difficile frontière entre le bien et le mal est faite par les personnages à la marge, pasoliniens pour rester en Italie, pris entre la terreur à la solitude extrême et l’impérieuse nécessité de l’affection, comme le dit Patricia Espinosa.

Le titre modeste et ironique de Petit roman lumpen ne doit pas tromper le lecteur : nous sommes bien face à une œuvre – la dernière publiée du vivant de l’auteur - où, une fois de plus, sont rassemblés des personnages touchants, luttant pour leur survie, cherchant l’amour, en équilibre au bord d’un abîme.

Roberto Bolaño est né à Santiago du Chili en 1953. Après avoir vécu au Mexique, il retourne dans son pays d’origine au moment du coup d’État de Pinochet. Il y sera brièvement incarcéré. Revenu au Mexique, il fonde « l’infraréalisme », groupe littéraire d’avant-garde, héritier de Dada et de la Beat Generation, entre autres. Il est arrivé comme une bombe sur la scène littéraire espagnole avec, d’abord, La littérature nazie en Amérique, puis Les détectives sauvages. Il a reçu le Prix Herralde en 1998, le Prix Romulo Gallegos, le plus prestigieux d’Amérique latine, en 1999. Héritier hétérodoxe de Borges, de Cortázar, de Artl, d’Onetti, à la fois poète et romancier, il saisit à bras le corps la littérature et l’histoire de sa génération, et est passé maître du brassage des registres, situations et personnages. Roberto Bolaño est mort en juillet 2003 à Barcelone à l'âge de 50 ans.

Accompagnée par son frère et de deux hommes mystérieux, Bianca entrera dans l’univers adulte, où elle découvrira les pires facettes – et les plus étranges – de la sexualité et du mensonge.

Dernier roman publié du vivant de Roberto Bolaño, ce court roman est aujourd’hui proposé aux lecteurs français simultanément à un recueil de poèmes, Les chiens romantiques, et un recueil de textes composites intitulé Trois.

« Il n’y a ni mélodrame, ni auto-apitoiement, ni fantaisies rédemptrices au-delà de la simple illusion d’une vie meilleure. Mais il y a une grande adresse dans la manière dont Bolaño dote d’une irrésistible innocence la protagoniste qui raconte une brève étape de sa vie. Chez elle vibre, sans le paraître, l’intelligence sentimentale du meilleur Bolaño. […] Dans son œuvre, le plus souvent se pose la question du pour quoi. Et dans ce roman, chaque ligne a un pour quoi sans équivoque, fatal. Peut-être précisément parce que Bolaño lui-même n’a pas dû trop le prendre au sérieux.

Tout l’art de Bolaño se trouve dans la pitié diffuse et sans traces visibles, l’amertume des vies malsaines sans culpabilité, les frustrations voilées mais invincibles et la vigueur psychologique qui suffit à tracer des personnages d’une mince complexité dont la trajectoire n’en débouche pas moins sur des récits complexes. Tout est facile et direct dans Un petit roman lumpen. Cependant, le roman parle du malheur et des fausses récompenses qu’on y trouve, du courage pour changer de chemin et de la lucidité soudaine sur la vraie direction prise par la vie de chacun : un morceau de réalisme intelligent sans être moralisateur. » (Jordi Garcia, El País)

« Les pensées de Bianca et son personnage même sont décrits de telle façon qu’il plane sur chaque page une sensation d’indifférence, de stagnation spirituelle et morale qui n’est pas rare chez Bolaño. Une sensation qui aide à esquisser des personnages désincarnés, presque abstraits, dont l’aspect physique ne nous est pas révélé, tout comme la ville de Rome, où se déroule l’histoire, est peu décrit. Tout est enveloppé dans l’obscurité et l’indifférence – la même Bianca ne sait jamais lequel des deux amis de son frère vient la voir dans sa chambre pendant la nuit – et, paradoxalement, celui qui voit le plus clairement les faits et les lieux est l’aveugle, ancien culturiste et acteur moyen, qui a fait son nom dans les peplum et dans les films historiques de Maciste – eux-mêmes une récréation en carton-pâte, une falsification de la réalité. Je ne crois pas que le clin d’œil soit délibéré, mais il dévoile une intuition narrative remarquable. Même dans les œuvres de Bolano qui peuvent sembler un peu marginales, il y a toujours un moment où surgit la patte de l’artiste. » (Ricardo Senabre, El Cultural)
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