Juliette

3,19
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11 novembre 2011

Inverno d'Hélène Frappat

J'ai lu ce livre d'une traite : une fois commencé je n'ai plus pu le lâcher, malgré la fatigue du soir. C'est presque du Stephen King psychologique et mémoriel. A partir de l'histoire du destin de 3 femmes, Hélène Frappat nous tient en haleine. Les chapitres sont courts comme je les aime, l'écriture est concise, va à l'essentiel.
Il faut dire aussi que le roman commence par une scène extrêmement frappante, c'est le cas de le dire. Pendant tout le livre on s'interroge : qui est cette femme? Pour bientôt s'apercevoir que ce n'est aucune des trois.
Après ce drame initial, L. rejoint Emmanuelle, son amie d'enfance, en train. Et L. se souvient. De sa propre vie, de celle d'Emmanuelle et de la mère de cette dernière, Bérangère.
C'est le bémol du livre : il m'a fallu du temps pour les situer toutes les trois, pour remettre chacune dans sa propre histoire. Au fur et à mesure ça devient limpide, au début on les confond un peu.
A la fin, j'aurais aimé que le voyage continue encore un peu...

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7 novembre 2011

L'homme à la moto

Je me souviens parfaitement de cette histoire. Elle a marqué notre époque. Le lendemain du drame de l'incendie du tunnel du Mont Blanc, c'est une copine qui m'a raconté comment un motard avait fait l'aller-retour plusieurs fois pour sauver des gens et en était mort.

Le symbole du héros ordinaire.

Ce livre parle de cette histoire là, cette légende devrais-je dire. Il s'appelait Lucio Tinazzi et Eric Sommier nous parle de lui, sa famille, ses amis, ses amours malheureuses, sa passion pour la moto et le jardinage...

La première partie du livre fait office de mise en place un peu laborieuse mais dès qu'on arrive à l'accident, le récit devient poignant et puissant. L'émotion grandit de manière subtile.

C'est un beau premier livre malgré quelques faiblesses : les légendes qui ne sont pas amenées de manière très spontanée, l'indécision finale entre ce qui s'est vraiment passé et la fiction qui laisse un peu un goût d'inachevé, le début du livre dont j'ai déjà parlé, quelques clichés comme celui de la vieille édentée.

Mais tous les ans, les motards rendent hommage à Lucio en procession dans le tunnel du Mont Blanc : son histoire valait vraiment le coup d'être racontée.

Gallimard Jeunesse Giboulées

3,99
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21 octobre 2011

Le tournevis mystérieux

Difficile d'expliquer pourquoi ce livre ne me plaît pas.
L'histoire est toute simple : les personnages (représentés par des animaux) sont dans une fête masquée lorsque deux individus arrivent, s'empiffrent et braquent les invités. Un petit détective en herbe, allié à un détective de renom, va résoudre l'enquête grâce au tournevis mystérieux du titre.
En elle-même, l'histoire est intéressante. Mais les illustrations sont angoissantes, effrayantes, la résolution de l'histoire est trop rapide, comme bâclée, aucun des personnages n'est attachant ou vraiment aimable.
Pour dire ça brièvement, je n'achèterais pas ce livre à un enfant (risque de mauvais rêves).

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2 octobre 2011

Clèves de Marie Darrieussecq

Ne pas se fier au titre : ce n’est pas le même style que la Princesse de Clèves !

Clèves est la petite ville de province (on pense au Pays Basque) où vit Solange, jeune héroïne adolescente du livre. Le récit est divisé en trois parties : « les avoir » (les règles), « le faire » et « le refaire » (l’amour). Solange a à peine une dizaine d’années au début du récit puis une quinzaine à la fin. C’est l’histoire de sa puberté, de son éveil à la vie amoureuse et sexuelle dans les années 80.

De manière assez inédite, on partage l’expérience de l’adolescence au travers des yeux et des mots d’une fille. Sans tabou. C’est très cru et, de ce fait, très réjouissant (cela peut aussi certainement être dérangeant). Enfin un livre sur ce qu’est avoir un corps de jeune fille ! Ce n’est pas tout rose, ça ne sent pas la rose. Aucune cruauté ne nous est épargnée, l’héroïne est victime de la violence des autres, notamment des garçons, mais elle-même n’est pas une oie blanche. On parle de Lolita à propos de ce livre, surtout à cause de la troisième partie et de la fin. Mais c’est une Lolita qui est un sujet complexe de désir et non pas un énième objet de fantasme masculin.

Au tout début, il a fallu que je m’habitue à un style assez brut, avec des paragraphes très court, des phrases presque elliptiques. Mais j’ai fini par lire le livre d’une traite. C’est aussi souvent très drôle : j’ai eu plusieurs fois des éclats de rire.

Un grand livre féministe.

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14 septembre 2011

Limonov d'Emmanuel Carrère

Edouard Limonov. Je n’avais jamais entendu parler de lui avant, j’avoue. A priori le titre et le sujet ne m’inspiraient pas spécialement. Mais c’est écrit par Emmanuel Carrère, un de mes auteurs contemporains préférés. Alors je plonge.

Le livre commence lors de l’assassinat d’Anna Politkovskaïa en 2006, journaliste russe notoirement opposée à Poutine. Cet évènement amène Carrère à aller à Moscou interroger des proches de cette femme courageuse. Il assiste à une commémoration en hommage aux victimes civiles du théâtre de la Doubrovka (tout le monde a encore en tête ces images de personnes mortes asphyxiées dans des fauteuils de théâtre). Et c’est là qu’il aperçoit Limonov puis décide d’écrire un long papier sur lui. Finalement ce sera un livre.

Il faut bien tout un livre pour rendre compte de la vie d’Edouard Limonov. Il est de ceux qui ne prennent jamais de vacances, qui ont une énergie qui semble intarissable. Il est de ceux dont on peut vraiment dire qu’ils ont eu plusieurs vies dans une seule vie : voyou dans sa prime jeunesse, poète underground sous Brejnev, clochard puis laquais d’un milliardaire à New York, écrivain provocateur à Paris, soldat dans les Balkans, chef d’un parti politique d’extrême droite ou gauche (on ne sait pas bien) en Russie et enfin prisonnier politique sous Poutine. Le livre retrace son parcours de manière chronologique.

Ni admirable, ni détestable, Limonov fascine. C’est l’intelligence de Carrère de bien choisir ses sujets. Au-delà de ça, le récit est concis, sobre, limpide : Carrère nous parle de la grande Histoire sans jamais nous ennuyer et a toujours à cœur de ne pas perdre le lecteur dans des références historiques incompréhensibles.

Un très bon livre qui ne délivre pas de vérité toute faite mais tente de regarder sans juger la complexité d’une âme de guerrier. D’ailleurs, Carrère ne cesse de le dire : « c’est plus compliqué que ça ».