Dans l'oeil du Schizo

Hervé Jaouen

Omnibus

  • Conseillé par
    28 novembre 2012

    Jean-Luc Gouézec ne sait plus à quel saint se vouer! Son honneur a été sali par Mme Graphonie, la graphologue de l'Echo du Morbihan. En toute bonne foi, il lui a envoyé un échantillon de son écriture et elle a fait un portrait de sa personnalité qui tient de la diffamation, le décrivant, entre autres, comme déplaisant, rigide et dominateur. Depuis, il écrit à différents interlocuteurs susceptible de l'aider à punir cette menteuse, du rédacteur en chef du journal jusqu'à la cour européenne des droits de l'homme. Mais personne ne prend la peine de lui répondre! Enfermé dans son bureau sous les combles, avec son fusil de chasse pour seul ami, Jean-Luc n'a plus confiance en personne, sa femme le surveille, sa patronne lui envoie des espions, le chat des voisins n'est autre que son ancien instructeur de l'armée.
    Pendant ce temps-là, Delphine, son épouse, a peur, pour ses enfants et pour elle-même. Elle se demande comment le jeune cadre dynamique bien sous tous rapports, plein d'ambitions et d'avenir, qu'elle a épousé et qui lui a fait deux enfants, a pu devenir ce dangereux paranoïaque. Bien sûr, il y avait des signes annonciateurs, mais elle n'a pas voulu les voir, et là, sur le point de le faire interne sans son consentement, elle espère qu'il n'est pas déjà trop tard...

    Effrayante plongée dans la tête d'un tueur schizophrène, le roman d'Hervé JAOUAN est un thriller dont la tension monte en puissance au fil de la lecture. D'abord on se moque de ce Jean-Luc Gouézec, imbu de lui-même, pur produit d'une école de commerce qui croit qu'il va révolutionner le monde par sa seule présence. On s'amuse même de sa réaction exagérée à la lecture de son étude graphologique. Et puis, on commence à s'inquiéter de sa correspondance vindicative, de son abattement, de ses angoisses, de son délire paranoïaque pour finir par avoir très peur de ce Jean-Luc qui disparaît au profit de "Schizoo", un tueur fou et obstiné qui sème la mort sur son passage.
    La force du récit réside dans la description précise de l'évolution de la maladie de Jean-Luc, de looser pathétique à tueur méthodique avec ses certitudes, ses hallucinations, sa déconnexion totale des réalités. Mais l'auteur sait aussi nous attacher aux victimes. Quelques pages suffisent à nous rendre familiers ces pauvres gens qui vont croiser la route de Schizoo. On en vient à espérer qu'il les épargnera même si on s'attend au pire.
    Le tout est écrit dans une langue très travaillée (j'ai appris des mots nouveaux!) et se situe dans une Bretagne magnifiée, des bords de mer jusqu'aux monts d'Arrée. Une lecture rapide et angoissante à souhait que je conseille.


  • Conseillé par
    18 octobre 2012

    Quand se lève la tempête.

    Avec ce roman, Hervé Jaouen revient à ses premiers amours : le roman noir, celui qui décoiffe (comme la tempête) mais aussi interpelle le lecteur. Ici il dissèque un cas de schizophrénie pour le moins très avancé.
    Rien ne semblait prédisposer Jean-Luc Gouézec à devenir dangereux : études réussies, entrée dans la vie active avec un poste à responsabilités, chargé de créer un centre d'appels téléphoniques. Il s’investit, recrute, se voit homme arrivé riche manager...le rêve ! Mais le rêve se révèle être un cauchemar ; son commanditaire est un escroc qui a empoché les aides de l'état et parti sans demander son reste...


    Nous le retrouvons quelques temps plus tard entamant une correspondance avec une graphologue de "L'écho du Morbihan", courriers qui deviennent de plus en plus chaotiques, de plus en plus menaçants, passant du directeur du journal au président de la République.
    Il est vrai que la situation professionnelle de Jean-Luc ne s'est pas franchement améliorée malgré l'aide de son entourage.....sa violence monte d'un cran, des visions brouillent son esprit !Delphine son épouse s’interroge, puis s'inquiète.....Est-il dangereux....ou pire peut-il le devenir....que faire? Etre attentive, éviter de le contrarier...protéger leurs deux enfants ou alors le faire interner, solution suprême qui ne peut être prise à la légère! Le passé militaire de Jean-Luc ressurgit dans son esprit....le monde qui l'entoure est peuplé d'ennemis, sa propre vie est en danger, sa méfiance devient de la paranoïa....
    Et un soir l'irréparable arrive, sa violence lui fait perdre tout sens commun.....Il est interné dans le Centre Bretagne laissant les ruines d'une famille derrière lui.
    Il s’enfuit laissant un cortège de morts dans son sillage, il redevient un soldat à la gâchette légère obéissant à son capitaine intérieur...
    La vie est paisible dans le désert breton, quelques rescapés du rêve hippie y côtoient des agriculteurs vieux garçons et taiseux.... c'est le cas d'Isola, de sa fille Gloanina et de Milo qui vit tant bien que mal de sa terre....
    Mais la tempête se lève sur le Kreiz Breizh, pas le tristement célèbre ouragan de 1987, mais pas loin.....Et dans la tête de Schizo tout s'entrechoque : le bien enfin ce qu'il en reste, le mal, les souvenirs d'enfance, les pulsions, comme les bourrasques de vent, qui enflent et deviennent incontrôlables.....
    Des personnages pour le moins embrigadés dans des situations qui leur paraissaient improbables.
    Jean-Luc Gouézec semble être un être à qui tout réussit, bel homme il parait être le gendre idéal, de brillantes études, un mariage d'amour...et pourtant !
    Delphine, son épouse, pensait, elle aussi, que l'existence allait leur sourire, un travail qui l’intéressait, deux enfants et des belles familles aimantes même si du côté de Jean-Luc, c'est un peu la bourgeoisie de province.
    Les habitants de la Bretagne profonde les Monts d'Arrée, eux, c'est la nature qui les réunit, Isola a laissé partir son baba cool de musicien. Être cool mais point trop n'en faut! La naissance de Glaonina ne l'a guère responsabilisé. Milo fut marié, son épouse est morte d'un cancer, sa fille qui fut élevée par une de ses tantes vit au loin ; alors il est devenu le papy de la fillette.
    Pour certains la vie n'est pas un long fleuve tranquille, la maladie peut bouleverser plusieurs vies en particulier des gens dont le seul tort est d'être au mauvais endroit au mauvais moment.
    Une fin de roman angoissante à souhait avec les monts d'Arrée dans la tourmente d'une tempête comme décor.
    Il est à noter le rappel d'une phrase prononcée par Roger Gicquel durant un journal télévisé, mais employée ici dans le cadre de ce roman.