Codex Lethalis
EAN13
9782012031173
ISBN
978-2-01-203117-3
Éditeur
Black Moon
Date de publication
Collection
BLACK MOON THRI
Nombre de pages
384
Dimensions
21,5 x 13,5 x 3 cm
Poids
452 g
Langue
français
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Photographie de couverture : paolomartinezphotography/Getty Images,
© Ray/Fotolia.
Conception : Julie Simoens

© Hachette Livre, 2013, pour la présente édition.

Hachette Livre, 43, quai de Grenelle, 75015 Paris.

ISBN : 978-2-01-203165-4

À Laura et Chloé,
les deux lumières de ma vie,
sans lesquelles je serais un aveugle
sur le territoire des loups.

Prologue

L'homme éprouve une telle fascination pour la mort

qu'à force de la chercher, il finit par la trouver.

Fin octobre, une vague de froid s'était abattue sur le comté de Los Angeles. Cela faisait plus d'une semaine que de lourds nuages anthracite dérivaient au gré des vents capricieux, déversant à intervalles réguliers une pluie coupante et gelée. À cette heure tardive, les ombres recouvraient depuis longtemps la cité des anges où la L. A. River serpentait, sombre et lente, tel un reptile en quête de proie. L'enseigne du Starbucks dansait sur le bitume humide, le temps d'une accalmie. Reflet d'un îlot de civilisation repoussant les ténèbres d'une jungle urbaine prête à lâcher ses fauves.

Reynolds paya les deux cafés et poussa la porte avec l'épaule d'un air las. À cause d'une réduction d'effectifs, un mois plus tôt, il accumulait les heures supplémentaires. Voilà près de quatorze heures qu'il était sur le pont et la fatigue commençait à prendre les décisions à sa place. Al Reynolds frisait à peine la quarantaine, mais il portait l'uniforme depuis dix-huit ans. C'est sans doute pourquoi il faisait son âge, voire un peu plus. Même si ses yeux bleus n'avaient rien perdu de leur efficacité pour intimider les hommes et séduire les femmes, les nuits blanches et le tabac avaient labouré son visage. Une moustache à la Charles Bronson masquait sa bouche plutôt charnue. Et avec un mètre quatre-vingt-huit pour presque cent kilos, il était prêt au pire. Le moins qu'on pouvait dire, c'est que, depuis ses débuts dans la police, il avait fait le tour de la nature humaine sans sortir de son trou.

Son coéquipier, Buzz Conors, l'attendait, un pied posé sur le pare-chocs de leur voiture de service. En un an d'équipe, les deux hommes avaient appris à se connaître, puis à se respecter. Au bout du compte, ils s'entendaient plutôt bien, ce qui, en cas de coup dur, pouvait se révéler vital. Conors sortait d'un bled paumé au fin fond du Wyoming. Il avait quitté la ferme familiale dès que possible pour entrer à l'école de police de Pasadena. Il faut croire qu'il avait ça dans le sang. Malgré ses vingt-huit ans, plus personne dans le district ne le prenait pour un bleu. Il avait fait ses preuves sur le terrain – et pas qu'un peu. Plus petit que Reynolds d'une bonne tête, il compensait cette taille moyenne par une carrure massive et intimidante. Cheveux ras, regard gris souris, surplombé par un front genre façade blockhaus, il avait tout du catcheur irascible ou du skinhead sanguinaire. Question d'éclairage.

Conors avisa Reynolds qui réprimait un bâillement.

— Lequel ? demanda-t-il en tendant la main.

— Celui-là.

Il s'empara du gobelet et souleva le couvercle avec une grimace.

— Ce jus de chaussette ne va pas m'empêcher de dormir, mais ça vaut toujours mieux que rien. Je suis crevé.

Reynolds posa son café sur le toit et alluma une cigarette. Il aspira une longue bouffée et soupira :

— Je dois avouer que je ne me sens pas frais non plus. Sans compter que ma femme commence à trouver le temps long.

— Ouais, elle m'en a parlé l'autre jour, lâcha Conors d'un air indéchiffrable.

Reynolds plissa les yeux et expira un jet de fumée.

— C'est ça ! marmonna-t-il, habitué aux vannes de son coéquipier.

Avant que Conors ait eu le temps de répliquer, la radio de bord grésilla. Reynolds se pencha pour écouter, saisit le micro et confirma leur présence dans le quartier.

— Vernon et Compton, cris suspects dans une maison, annonça leur collègue à l'autre bout des ondes.

— C'est bon, on s'en charge, dit-il avant d'expédier son mégot par terre.

Puis il réajusta son ceinturon et lança les clés du véhicule à son collègue.

— Génial ! fit-il en récupérant son gobelet. On va finir la soirée en beauté.

Quand les lueurs du gyrophare éclaboussèrent la vitrine du Starbucks, aucun client ne tourna la tête. On s'habituait à tout dans cette ville, surtout au pire.

Une enfilade de pavillons faussement cossus. Pelouses en pente et heurtoirs en laiton. Garages attenants et porches éclairés par une veilleuse blafarde. Bienvenue dans le monde de la classe moyenne et de la vie à crédit. Les réverbères anémiques n'éclairaient qu'eux-mêmes. La rue évoquait une piste d'atterrissage alimentée par un générateur de secours en fin de vie. Ils approchèrent de l'adresse communiquée par le central et s'immobilisèrent près d'un type qui donnait l'impression de les attendre.

La soixantaine certifiée Bourbon, maigre comme un clou. De petits yeux noirs, occupés par une partie de tennis imaginaire, et une bouche en lame de rasoir. Sa tignasse d'un gris jaune tentait d'échapper à l'emprise d'une casquette rouge vif, brodée à la gloire des Mets. Quelques mèches rebelles matées par la bruine lui collaient sur le front tandis que son visage glabre présentait une foule d'éruptions cutanées. Il portait ce qui, en des temps très anciens, avait dû ressembler à un survêtement bleu ciel. Le chien qu'il tenait en laisse ne faisait pas partie de la liste des races connues. Fidèle reflet de son maître, il n'avait l'air de rien.

— Jim Bishop, lança-t-il aux deux flics descendus de voiture.

— Agent Reynolds et agent Conors, répondit Reynolds en sortant la lampe torche de son ceinturon. C'est vous qui avez appelé, monsieur ?

— Affirmatif, sergent. Je passais par ici pour sortir ma Betty, comme tous les soirs, quand j'ai entendu des cris provenant de cette maison, dit-il avant de baisser les yeux vers sa chienne. Même que ça lui a fait une peur bleue, hein Betty ? Faut vous dire que ça n'a pas duré bien longtemps, mais bon sang, qu'est-ce que ça hurlait ! Même au Vietnam, les niaquoués ne braillaient pas aussi fort quand on déboulait dans leurs putains de cases !

Conors lorgna du côté de son coéquipier qui demandait au vétéran :

— Quelle unité ?

— Quatre-vingt-unième aéroportée, 1969, première classe Jim Bishop, matricule 547 748, chef !

Torse bombé, main sur la couture du pantalon, salut réglementaire, il avait grandi de cinq centimètres. On distinguait ses plaques d'identité dans l'échancrure de son blouson. Betty leva la truffe vers son maître. Son expression en disait long. Celle de Conors aussi.

— Repos, soldat ! lui ordonna Reynolds, main levée. Voilà votre mission : vous restez ici le temps qu'on jette un coup d'œil à l'intérieur. Soyez vigilant et appelez-moi si vous remarquez quoi que ce soit d'anormal.

— À vos ordres, chef !

Bishop recula d'un pas, écarta les jambes et posa les mains sur ses hanches, l'œil aux aguets. Betty en profita pour se soulager sur le gazon avec une indifférence proche du mépris.

Alors qu'ils faisaient mine de partir vers l'entrée, Reynolds se retourna.

— Bishop, vous savez combien de personnes vivent ici ?

— Trois, je crois. Un couple et une gamine d'environ cinq ans. Elle veut tout le temps jouer avec Betty, mais ma petite n'aime pas trop les gosses.

« Tu parles ! » pensa le policier qui reprit son chemin.

Ils s'engagèrent dans l'allée couverte de gravillons humides. Une bourrasque fit gémir le gros tilleul à droite du garage. Une balançoire suspendue aux branches oscillait dans la pénombre.

— Tu sais y faire, toi, avec les nostalgiques du napalm ! chuchota Conors.

— Ça s'appelle l'expérience, mon vieux. Pourquoi je gagne plus que toi, à ton avis ?

Le jeune policier sourit et embrassa la bâtisse du regard. « Même les gens endormis font plus de bruit », se dit-il. Il grimpa les marches du perron. Les trois premiers coups de heurtoir ne donnèrent aucun résultat. D'habitude, la porte s'ouvrait sur une femme au visage tuméfié qui vous assurait que tout allait bien, qu'elle était juste trop distraite pour éviter les placards. Pas de plainte, pas d'interpellation. Aussi simple que ça. Parfois, on la retrouvait quelques jours plus tard, battue à mort. Les placards avaient fini par l'avoir. Échec et mat.

La vo...
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Commentaires des lecteurs

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22 mars 2013

Thriller pas reposant du tout. Si je commence à lire pas mal de polars, j'avoue ne point trop apprécier les thrillers souvent trop rouge sang pour moi. Mais là, Pierre-Yves Tinguely, à part plusieurs scènes de tueries assez glauques nous ...

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