Concerto pour la main morte

Olivier Bleys

Albin Michel

  • Conseillé par
    24 septembre 2013

    La musique, la Sibérie, l'amitié, les vies antérieures, tels sont les thèmes de ce livre qui nous entraîne au fin fond de la Russie, aux côtés d'un pianiste dont une main refuse d'interpréter le fameux concerto pour piano n° 2 de Sergueï Rachmaninov. Pourquoi ce problème? Une plongée dans son passé, dans ses désirs, aux côtés des "autochtones" et de l'environnement plutôt hostile du lieu vont lui permettre non seulement de régler son problème physique mais aussi de reprendre en "main" son destin.
    Une renaissance, qui se traduit également par la numérotation des chapitres, en compte à rebours vers cette nouvelle vie.
    Un conte moderne, la rencontre de deux hommes à un carrefour de leur vie, la confrontation de deux modes de vie, font de cette lecture une parenthèse fort agréable.


  • Conseillé par
    17 septembre 2013

    A Mourava, petit village engourdi de Sibérie centrale, au bord de l'Ienissei, Vladimir Golovkine s'ennuie. Il pourrait boire comme les autres habitants du village mais il a sa dignité, il préfère rêver d'un ailleurs idyllique où tout serait possible. Le problème, c'est qu'il n'a pas suffisamment d'argent pour prendre le bateau et échapper à cette vie sans intérêt.

    Refoulé par les hommes de bord lors d'une de ses tentatives d'embarquer, il tombe sur Colin Cherbaux, pianiste échoué là avec son instrument et un problème de main récalcitrante. Enchanté par cette improbable rencontre qui vient bouleverser sa routine, Vladimir invite le musicien français, rebaptisé Kolincherbo, à partager sa masure de célibataire. Au fil des jours, sous le regard envieux des voisins, Vladimir et son hôte se découvrent, s'apprivoisent, se confient et cherchent une solution au blocage de Colin, incapable de jouer l'intégralité du concerto n°2 de Rachmaninov.

    Après avoir fait voyager un percolateur depuis l'Italie jusqu'au Costa Rica dans Le maître de café, Olivier BLEYS promène un piano dans la taïga sibérienne. Et c'est toujours aussi réjouissant! Dans ce conte moderne où se croisent des ours féroces, un astronaute hypnotiseur, une valise peu coopérative et de nombreuses bouteilles de vodka, il met face à face deux hommes différents qui vont s'aider l'un l'autre à surmonter les difficultés. Son écriture très visuelle nous transporte dans ce petit coin de Sibérie où tout est encore possible : l'amitié, le partage, les rêves.
    Une lecture optimiste, souvent joyeuse, qui offre une parenthèse hors du temps, une respiration, un moment d'enchantement dans ce monde de brutes. A lire avec quelques godets de vodka...ou pas.


  • Conseillé par
    6 septembre 2013

    Un vrai bonheur que ce nouveau roman d'Olivier Bleys. Après avoir fait voyager un piano-forte dans le Brésil du début du XIXème siècle dans le très beau "Le colonel désaccordé", voilà qu'il fait voyager un piano brinquebalant dans un village perdu de la Sibérie. Si j'avais émis quelques -toutes petites- réserves sur son dernier roman "Le maître de café", là, je fonds véritablement. Tout est là pour plaire aux lecteurs : paysages enneigés, grands espaces, personnages typiques, caricaturaux parfois comme Sergueï alcoolique notoire qui noie sa solitude et sa tristesse dans la vodka qu'il distille lui-même, situations absurdes, comme cette main qui refuse totalement de jouer cet air de Rachmaninov (que j'écoute en écrivant ce billet), flirt avec le conte ou la fable, humour et belle écriture. Que demander de plus ?

    Pour la belle écriture, les belles phrases, les amateurs seront servis, avec en cerise sur le gâteau un lot d'imparfaits du subjonctif fort à-propos qui, loin d'être pompeux enjolivent la phrase : "Puis, de retour en France, il avait fréquenté diverses classes de perfectionnement avant que ses parents, d'accord avec ses professeurs, jugeassent l'étudiant assez mûr pour affronter les concours internationaux." (p.84). Le style est léger, alerte, très accessible même s'il ne cède pas à une facilité de mauvais aloi ; on peut plaire au plus grand nombre avec de l'exigence littéraire, ce que prouvent Olivier Bleys et très récemment (chez le même éditeur d'ailleurs), Eric Pessan avec Muette. Pour l'humour, il est présent tout au long du livre, dans des situations, dans des personnages (le portrait de Colin est un peu long, sinon je l'aurais cité bien volontiers, je l'ai lu à voix haute à la maison et il a fait sensation) ou des répliques. Il est tout à tour léger ou plus noir :
    "- Ça fait huit mois que je n'ai vu personne, indiqua Oleg en réchauffant le thé. Le dernier à m'avoir rendu visite portait un sac à dos et venait de Suisse. Il prétendait faire le tour du monde à pied. Malheureusement, deux ou trois jours après son passage chez moi, il a rencontré un ours plein d'appétit. J'ai ramassé un tibia et des morceaux de crâne au bord de la rivière.
    - Ce sont des choses qui arrivent, commenta sobrement Vladimir
    - Il est heureux qu'il arrive encore des choses en Sibérie fit l'ermite en versant l'infusion dans des verres minuscules à culot de métal." (p.147/148)
    Parfois, c'est dans un détail :
    "- Comment t'appelles-tu, demanda Vladimir, très excité. Parle lentement, s'il te plaît, que j'entende bien...
    - Colin Cherbaux
    - Kolincherbo, répéta plusieurs fois l'éboueur, avec une délectation timide, un demi-sourire flottant dans sa barbe." (p.47/48)
    Tout cela pour dire que j'ai pris grand plaisir à lire cette aventure de Kolincherbo comme dirait Vladimir, qui parle également de l'amitié, de retrouver ses vraies valeurs, du partage, du sens de la vie, ... enfin que des sujets universels dont Olivier Bleys s'empare joyeusement et finement. Le souffle de Sibérie est présent du début à la fin, loin d'être glacial, il réchauffe les corps et les esprits (surtout si l'on y adjoint de la vodka), et donne sourire et enthousiasme aux lecteurs. Un vrai très bon roman de cette rentrée littéraire.